AFROTRANS, Recueil des éditions Cases Rebelles

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 AFROTRANS, Recueil des éditions Cases Rebelles

Sous la direction de Michaëla Danjé

SUR LE COLLECTIF CASES REBELLES

Cases Rebelles a été créé en France en 2010. C’est un collectif qui se définit comme « anti-autoritaire » et « PanAfroRévolutionnaire », composé de personnes noir·es, africain·es et caribéen·nes. Iels luttent contre toutes formes de domination. Amour, bienveillance et auto-éducation sont les valeurs du collectif qui invite à agir collectivement pour un changement sociétal radical. Depuis 2010, Cases Rebelles produit un nombre conséquent d’articles, podcasts, interviews, analyses littéraires et cinématographiques. La perspective adoptée est afrocentrée et met en lumière les différentes luttes noires. Iels ont produit en 2018 le documentaire Dire à Lamine qui revient sur les 10 ans de disparition de Lamine Dieng, un homme noir assassiné par la police française le 17 juin 2007. Ou encore l’ouvrage 100 portraits contre l’Etat policier qui commémore et rend visible un ensemble de victimes de violences policières françaises.

C’est de cette manière que, pour son dixième anniversaire, le collectif crée sa propre maison d’édition du même nom. Un projet politique qui a pour « vocation de continuer à raconter les histoires et les expériences de vie que le monde de l’édition a rejeté à la marge ». AfroTrans, publié en 2021, est le premier ouvrage de cette riche nouvelle aventure !

UN OUVRAGE NÉCESSAIRE

AfroTrans est un recueil de différents textes, poésies, fictions, entretiens et essais, écrit par 14 personnes trans noires. C’est un espace d’expression pour chacun·e des auteur·rices qui rend audible leur parole et illustre la multiplicité des expériences vécues. En tant que lecteur·rices, nous sommes donc invité·es à écouter pleinement ces récits de vie trop souvent marginalisés. Dans la préface de l’ouvrage, Michaëla Danjé (directrice de publication) dénonce l’homogénéisation des identités transgenres qui participe à l’invisibilisation des personnes trans racisées. Elle nous explique la nécessité de critiquer les concepts et vocabulaires impérialistes et eurocentrés qui désignent les identités trans. Selon l’autrice, les expériences trans doivent donc être analysées en articulant les rapports de race, classe, ainsi que prendre en considération les époques et les lieux d’existence. Les concepts doivent être pensés de manière mouvante.

Afrotrans revendique l’autodétermination et l’autonomie non seulement par la nature même du projet littéraire, mais aussi par l’objectif de l’ouvrage dépeint par Michaëla Danjé, c’est-à-dire ouvrir des échanges dans les communautés noires. En effet, cette volonté est manifeste : Afrotrans invite à la décentralisation des espaces géographiques. De fait, les auteur·ices sont issu·es des « provinces » de France, des territoires d’outre-Mer, des banlieues. Nous retrouvons des textes écrits en français, en créole ou encore en anglais.

C’est un recueil riche et émouvant. Il nous permet de découvrir de nouvelles plumes qui nous frappent par leur authenticité. Nous y découvrons des récits qui abordent aussi bien la thématique des masculinités trans noires, que le rapport au corps, à la beauté, à l’espace public, à la langue ainsi qu’à la danse … AfroTrans fait sens et doit continuer à vivre, donc soutenons Cases Rebelles !

SUR LE LIVRE

Le livre est une anthologie, nous verrons ici quelques passages de l’ouvrage. Voyez-le comme une mise en bouche …

Personnes trans dans l’histoire

Dans un texte intitulé « Je chante l’amour collectif », Michaëla Danjé mélange les styles. On y retrouve des moments d’invocations et révocations qui illustrent ces expériences personnelles notamment familiales, une parenthèse qui pose un questionnement et enfin des moments fragments qui sont des points historiques sur les identités de genre en contexte afro. Dans ces fragments, Michaëla Danjé décortique certaines notes d’observateurs et d’anthropologues de l’époque coloniale. Ces derniers décrivaient les expériences de transgression de genre, avec des terminologies relevant des conceptions étriquées du genre développé en Occident. Un des fragments de l’autrice nous révèle les travaux du missionnaire chrétien Carlos Estermann sur les populations du Sud-Est de l’Angola. Le missionnaire parle d’esenge, qu’il qualifie comme un homme possédé depuis le jeune âge par un esprit féminin qui absorbe toute part de masculinité. Ainsi à l’âge adulte, l’esenge porte des apparats considérés comme féminins et effectue des tâches attribuées aux femmes. Il est également possible pour eux·elles de se marier avec un homme, nous explique l’autrice. Cette note révèle les liens entre genre et spiritualité: l’esenge a des activités religieuses liées à son genre, notamment la pratique de la divination, la magie et l’usage des plantes médicinales. Iel a un statut particulier, de « troisième genre ». C’est par la force divine que ces dernier·e·s ont un statut et un rôle dans la société.

Expérience trans noire masculine 

Joao Gabriel est un militant panafricaniste. Il tient un blog où il aborde les enjeux politiques des diasporas afro. Dans son texte « Devenir l’homme noir », il partage ses réflexions sur l’expérience trans noire masculine. Il émet ici une critique des théories queers et féministes qui pose la masculinité « en ennemi universel principal ». Selon l’auteur, cette approche de la masculinité est une négation de l’identité de genre des hommes trans noir, car elle sous-entend qu’ils subissent des discriminations uniquement du fait du racisme et de leur transidentité mais non pas du fait de leur genre; le genre masculin étant perçu comme un privilège en Occident. Joao Gabriel nous explique que dans un contexte de négrophobie structurel (en France), le fait de « devenir l’homme noir » pour reprendre ses termes, offre une autre expérience des violences racistes qui sont spécifiques selon le genre. En effet, l’époque coloniale a été un espace-temps qui a racialisé et sexué les corps non-blancs. Il est souligné l’ensemble de stigmates hérités de cette époque et encore attribués à la masculinité noire, c’est-à-dire une masculinité excessive, les attributs comme le sexe ou l’appétit sexuel étant qualifiés comme hors normes. La masculinité noire est perçue comme dangereuse et destructrice, à l’inverse de la masculinité blanche dépeinte comme une puissance créatrice, explique l’auteur. L’espace public est donc un lieu de contrôle des corps racisés et de disciplinarisation, à travers la présence d’institutions de contrôle comme la police. L’auteur soulève également la question du passing qui n’est pas un gage de sureté pour un homme trans noir, et ne l’invisibilise pas dans la rue, du fait de sa racisation – a contrario des hommes trans blancs qui expérimenteraient un rapport différent à la rue. L’exemple des violences policières est frappant car il témoigne d’un processus de contrôle des corps racisés. Joao Gabriel explique que les masculinités noires sont toujours supposées hétérosexuelles et cisgenres; ce qui relève d’un racisme, mais aussi d’un harcèlement sexuel et d’une violence de genre sur les hommes (cis et trans) noirs.

Epilation et injonctions à la blanchité

Hélène Bémé est travailleuse sociale, passionnée de littérature et d’art. Elle écrit pour Afrotrans « Polaroid Girl ». Au début du texte, l’autrice nous partage une expérience d’épilation au laser Yag, qu’elle décrit comme douloureuse. Cette expérience la questionne sur la silenciation de la souffrance des femmes pour répondre à des critères de beauté. De plus, elle pose une interrogation sur la spécificité du laser Yag conçu pour les peaux noires à être l’un des lasers les plus douloureux sur le marché. Cet ensemble de constats l’amène à découvrir l’histoire de l’épilation aux rayons X, qu’elle nous partage.

Les recherches d’Hélène Bémé nous permettent de découvrir les travaux de Rebecca Herzig qui a travaillé sur les liens entre épilation et injonctions à la blanchité. Nous apprenons alors qu’au début du 20ème siècles aux Etats-Unis, le rayon X a été utilisé comme un moyen d’épilation massif. Cette époque était aussi celle de l’apparition de discours hygiénistes qui étaient à la fois racistes, sexistes et classistes, où la blanchité était définie comme une « capacité à l’adaptation sociale », liée à la pureté, et établissait une frontière avec les nouvelles personnes immigrées qui « installent une ambiguïté raciale ». L’injonction à l’épilation s’est établie comme un critère social et économique. Les poils sont devenus les marqueurs de déviances sociales, nous explique Hélène Bémé, notamment sur les femmes car ils marquent une transgression des rôles de genre. La pilosité devient un moyen de les culpabiliser et de les contrôler. La machine capitaliste de la publicité a grandement participé à cette injonction à la blanchité. Les travaux d’Herzig, nous dit Hélène Bémé, montrent comment s’est construite l’idée selon laquelle, pour atteindre la blanchité intégrale il faut s’épiler, c’est-à-dire se blanchir. Ceci relève d’une pression pour les immigrées, personnes de classes modestes et racisées. En effet, ces publicités se retrouvaient fréquemment dans les lieux non anglophones alors même que le danger du rayon X a été dénoncé.

Le texte d’Hélène Bémé nous rappelle que la beauté est un concept construit et qu’il participe au contrôle et à la marginalisation des personnes qui ne rentrent pas dans les normes esthétiques éminemment blanches.

Elle nous dit : « La beauté n’est pas réelle. C’est une obsession culturelle invasive et toxique. »

Ballroom

Nous pouvons trouver dans l’ouvrage un entretien intitulé « Ballroom et fighting spirit » entre Michaëla Danjé et Lasseindra Ninja sur la culture ballroom. Lasseindra Ninja est une danseuse professionnelle qui a grandi en Guyane. Dans cet entretien, elle aborde son expérience vécue en Amérique du Sud, sa pratique de la danse, du classique, au classique jazz et hip hop, ainsi que sa découverte de la culture du ball à l’âge de 13 ans à New-York. Elle soulève la puissance de la communauté de la ballroom pour se trouver et s’affirmer. La scène ballroom est un espace de célébration des genres, corps et sexualités où les participant·es marchent sur scène et s’affrontent dans certaines catégories. Iels sont regroupé·es en maisons (en Houses) dirigées par une Mother (mère) qui a des kids (enfants). La culture ball est donc un système de familles. La culture ballroom est née au sein des communautés LGBT new-yorkaises – ses prémices datent des années 20. Du fait d’une marginalisation des femmes trans noires qui subissaient des discriminations coloristes et racistes, elles ont créé leurs propres évènements et notamment le système des Houses dans les années 70. Les femmes trans noires, qui ont participé à bâtir cette culture, ont créé un lieu de ressource pour elles. C’est dans ce milieu qu’est née la danse du voguing. Lasseindra Ninja est aujourd’hui une des pionnières de la culture ball en France, elle est la Mother de la célèbre House of NINJA qu’elle a importée des Etats-Unis en France dans les années 2010.

Amandine LEGLISE

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