« Le Triangle et l’Hexagone – Réflexions sur une identité noire »

[et_pb_section fb_built= »1″ _builder_version= »3.22″ hover_enabled= »0″ sticky_enabled= »0″][et_pb_row _builder_version= »4.9.10″ _module_preset= »default »][et_pb_column _builder_version= »4.9.10″ _module_preset= »default » type= »4_4″][et_pb_image src= »https://recreetoi.com/wp-content/uploads/2021/07/9782348041952-204×300.jpg » _builder_version= »4.9.10″ _module_preset= »default » title_text= »9782348041952″ hover_enabled= »0″ sticky_enabled= »0″ align= »center »][/et_pb_image][/et_pb_column][/et_pb_row][/et_pb_section][et_pb_section fb_built= »1″ _builder_version= »3.22″ hover_enabled= »0″ sticky_enabled= »0″][et_pb_row _builder_version= »3.25″ background_size= »initial » background_position= »top_left » background_repeat= »repeat » custom_margin= »-75px|auto||auto|| »][et_pb_column type= »4_4″ _builder_version= »3.25″ custom_padding= »||| » custom_padding__hover= »||| »][et_pb_text _builder_version= »4.9.7″ background_size= »initial » background_position= »top_left » background_repeat= »repeat » hover_enabled= »0″ sticky_enabled= »0″]

« Le Triangle et l’Hexagone
Réflexions sur une identité noire »

Maboula Soumahoro

UN MOT SUR L’AUTRICE

Maboula Soumahoro est une intellectuelle française, d’ascendance ivoirienne, née le 3 février 1976 ♒︎ à Paris. Elle est docteure en civilisations du monde anglophone et occupe un poste de maîtresse de conférence à l’université de Tours. Elle exerce en tant qu’enseignante-chercheuse et professeure titulaire à l’université, spécialiste en études afro-américaines et de la diaspora noire/africaine. Sa thèse, soutenue en 2008, porte sur “La couleur de Dieu ? Regard croisés sur la nation d’islam et le rastafarisme de 1930 à 1950”. Un ensemble de thématiques de recherche qu’elle a peiné à défendre dans le contexte universitaire français.

La chercheuse est également engagée sur les questions de société, notamment sur l’antiracisme et le féminisme. Entre 2013 et 2016, elle est membre du Comité National pour l’Histoire et la Mémoire de l’Esclavage. Ainsi que l’instigatrice du Black History Month en France qui célèbre l’histoire des Noir·e·s. Elle préside l’association du même nom.

En 2020, Maboula Soumahoro publie “Le triangle de l’hexagone, réflexions sur une identité noire”.

UN OUVRAGE HYBRIDE

Le triangle et l’hexagone est un ouvrage qui intrigue par son caractère “hybride”, c’est-à-dire qui mélange les genres, entre l’autobiographie et l’essai. Maboula Soumahoro prend ici position en assumant une écriture à la première personne. L’emploi du “je” et du récit autobiographique illustre le refus de s’effacer face à son objet d’étude. Sa réflexion, qui part de son expérience personnelle en tant que femme noire musulmane française, est intellectualisée. Par son ouvrage, Maboula Soumahoro met la société française face à ces problématiques raciales en interrogeant l’intime et le politique. Elle amène les lecteur·rices à questionner les dynamiques sociales, économiques, politiques et géographiques qui structurent nos expériences personnelles.

SUR LE LIVRE

L’importance de se situer

Dans son ouvrage, Maboula Soumahoro contrevient sciemment à une règle du milieu universitaire en employant le pronom “je”. La chercheuse soulève l’importance du positionnement qui suppose d’expliciter la place que l’on occupe dans les rapports sociaux et économiques. Cette place a une influence sur nos pensées et, dans le contexte académique, sur la production du savoir. Elle adopte ici la méthodologie des savoirs situés, développée par les féministes des années 80, qui dénonce l’absence des minorité·e·s et minoré·e·s dans les sciences, en tant que producteur·rice·s du savoir. Aussi, cette notion des savoirs situés critique le concept de neutralité (objectivité) scientifique qui prédomine encore le champ des idées.

Cette neutralité, qui se traduit par l’universalisme dans le contexte politique français, est elle- même subjective selon Maboula Soumahoro. Elle soutient : “L’universalisme n’existe pas. Il est lui-même situé” (p.33). C’est le point de vue des dominants, historiquement masculin, blanc, occidental et empreint d’un ensemble de stéréotypes à la fois sexistes, racistes et classistes. Il est peu remis en question et ne soulève aucune crainte contrairement à une position située, où le chercheur interroge sa position sociale et considère que sa vision est construite et peut avoir des limites. Ce différend épistémologique montre une hiérarchisation des savoirs, l’un étant jugé plus scientifique que l’autre.

Dans son ouvrage, Maboula Soumahoro encourage donc l’intégration de l’expérience vécue dans le champ de l’analyse scientifique.

“La distance m’est impossible. Je ne la désire même pas. Je lui préfère le point de vue, l’approche, l’analyse situés. Car, en vérité, nous le sommes toutes et tous. Personnellement, je n’ai tout simplement pas le loisir de pouvoir me désincarner et penser de façon complètement détachée le monde, les sociétés, les populations.” (p22)

 

Construction d’une chercheuse / une trajectoire afro-diasporique

De la diaspora

Maboula Soumahoro retrace sa trajectoire afro-diasporique qui est celle d’une femme noire française, enseignante-chercheuse, angliciste, d’origine ivoirenne, née à Paris, Dioula, de la diaspora noire-africaine ayant grandi dans un milieu précaire, en banlieue et par la suite transfuge de classe. Cette pluralité d’identités qui évolue renvoie à différentes ères géographiques qui structurent son histoire personnelle et celles d’autres. Cette histoire est celle du Triangle et de l’Hexagone, qui fait référence, selon l’autrice, aux liaisons migratoires (volontaires ou forcés) entre l’Afrique, l’Europe et les Amériques. Cet événement a disséminé des populations entières qui, aujourd’hui, peuvent être identifiées comme de la diaspora noire et/ou africaine.

La chercheuse souligne une différence entre les deux expressions. La diaspora noire est un concept qui fait référence à la couleur de peau, au phénotype noir. Il est alors question de toutes les significations que revêt ce corps, racialement défavorisé à partir du XVème siècle. Ainsi, l’identité noire est liée à la race, car socialement construite. Elle renvoie à une histoire d’asservissement, d’exploitation des Noir·e·s au profit des Blanc·che·s. Ainsi, M.Soumahoro nous dit qu’il n’existe pas d’identité noire sans identité blanche.

C’est de cette manière que Maboula Soumahoro délimite historiquement et politiquement son sujet qui est non seulement son domaine d’expertise, mais qui la concerne directement.

La langue maternelle

La question de la langue marque le début de l’ouvrage. L’autrice évoque l’enjeu que représente pour elle l’expression en français pour écrire sur son sujet d’étude “l’hexagone et l’atlantique”.

“Je n’ai qu’une langue et ce n’est pas la mienne” (p18).

M. Soumahoro reprend ici une citation de Derrida, en tant qu’enfant d’immigrée, elle nous confie que la langue française qu’elle maîtrise depuis le plus jeune âge n’est pas sa langue maternelle, ni naturelle, ni première, car elle n’a pas été transmise de manière naturelle par sa mère. Ce n’est pas la langue de sa mère. La chercheuse qualifie le français comme une langue d’acquisition, chargée d’une histoire (coloniale, impérialiste etc) et avec laquelle il est difficile de pouvoir tout exprimer notamment sur les questions raciales. Tout comme, le dioula, la langue de sa mère, une langue qui ne lui appartient pas non plus, partage M. Soumahoro. L’anglais s’est alors illustré comme une solution, par passion et aussi par la distance permise “La langue anglaise ne m’appartient pas, elle ne me doit rien et je ne lui dois rien en retour. Les choses sont alors tellement plus simples (…). En anglais, je suis libre. Je peux m’exprimer sans entraves”.

Expérience universitaire / intérêts scientifiques

Maboula Soumahoro relate son parcours universitaire et la lutte pour défendre ses intérêts de recherche. Après une maîtrise d’anglais, elle part en échange étudier à New-York. C’est dans ce cadre qu’elle découvre les études diasporiques, et s’instruit sur les cultures afro-américaines. Elle y rédige un mémoire sur la pensée nationaliste noire. L’autrice partage son expérience étatsunienne comme bénéfique et positive pour elle. Elle évoque une période riche en épanouissement intellectuel et personnel, où elle a pu s’approprier de “plein gré” son identité de femme noire et française. En effet, en France, elle explique que son expérience de l’altérité est quotidienne. Son corps noir est sans cesse renvoyé à l’extérieur, à l’Afrique ou à la Côte d’Ivoire, son corps est constamment désigné comme étranger, devant justifier sa présence et niant son vécu de femme noire ayant grandi en France. Contrairement aux Etats-Unis où son identité française était admise. A son retour d’échange, ses intérêts scientifiques (nationalismes noirs) sont vivement critiqués par son encadrante de mémoire, qui lui fait part de la “gravité” de ses écrits qualifiés de “racistes” ou relevant du “communautarisme” dans lequel elle aurait succombé lors de son séjour, selon sa professeure. Maboula Soumahoro saisit dans ce discrédit un enjeu racial qui vient mettre en question sa position de femme noire sur une thématique qui lui est corporellement proche. Son mémoire n’est pas validé. La jeune chercheuse change de sujet de recherche et travaille sur l’émergence de la nation d’Islam et du mouvement rastafari dans une perspective diasporique. Elle est très vite mise en garde sur ce nouveaux choix, principalement concernant ses perspectives de carrière.

Ainsi, après plusieurs aller-retours entre la France et les Etats-Unis, Maboula Soumahoro obtient son doctorat et un poste de maîtresse de conférence en France, un statut qui lui permet d’accéder à une certaine notoriété et à l’espace médiatique dans lequel elle intervient. Elle y soulève l’absence des corps noirs, et, quand ils sont présents, leur statut social est en permanence délégitimé.

La charge raciale

Toutes les démarches de justification relèvent de la charge raciale pour l’autrice, une notion qu’elle explicite dans son ouvrage en reprenant le concept féministe de la charge mentale. Ainsi, elle explique que les personnes racialisées défavorablement sont chargées d’expliquer leur existence en permanence – alors que les ressources existent – et de justifier les violences subies. Cette charge demande non seulement de rendre intelligibles les violences subies, mais aussi de rassurer le dominant, explique M.Soumahoro.

D’après l’autrice, une de ces violences en France relève également du silence qui permet aux dominants de jouir d’une certaine quiétude. Elle soulève une négation de l’existence des problématiques raciales en France qui pourtant concernent tout le monde, que l’on soit favorablement ou défavorablement racialisées. Elle s’interroge sur cette posture de ne pas voir ou de ne pas désirer voir la race, à qui cette négation profite-t-elle ?

Amandine LEGLISE

[/et_pb_text][/et_pb_column][/et_pb_row][/et_pb_section]