Demander l’asile en France : une lutte pour le droit de vivre (2/3).

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Étudiante en études africaines et actuellement stagiaire à l’association LOBA, j’ai pour mission de retranscrire les récits de vie des femmes que nous accompagnons au sein de nos ateliers de danse comme thérapie. Cette expérience m’a profondément marquée en ce qu’elle donne à voir les difficultés que ces femmes rencontrent pour leur demande d’asile. Cela m’a amenée à me questionner sur l’impact des dysfonctionnements institutionnels sur la situation précaire des femmes exilées en France. Parallèlement, ayant étudié les politiques migratoires, force m’a été de constater que les demandes d’asiles sont majoritairement refusées et qu’elles sont corrélées à 40 ans de politiques allant à l’encontre des exilés.

 Suite à ce constat, j’ai décidé de mener un projet de plaidoyer en vue d’interpeller le Ministre de l’Intérieur sur les dérives de l’Office de Protection des Apatrides et des Réfugiés et de la Cour Nationale du Droit d’Asile. Afin de mener à bien cet objectif, il m’a semblé primordial d’interviewer des professionnelles exerçant dans ce domaine. J’ai donc eu le plaisir d’échanger avec une travailleuse sociale, une avocate et une officière de protection pour donner à voir leur quotidien et celui des demandeur.euses d’asile. Le but de cette série de trois articles est de rendre compte de ces dysfonctionnements qui sont les rouages d’une machine bien plus vaste qu’est le système du droit d’asile en France.

“On est des pions dans cette grosse machine de la demande d’asile en France”. Témoignage d’une officière de protection.

Après avoir interviewé une travailleuse sociale, j’ai eu le plaisir d’échanger avec N. qui travaille à l’OFPRA (Office de Protection des Réfugiés et Apatrides). Cette institution est chargée d’analyser les dossiers de demandes d’asiles et effectue des entretiens avec les recquéran·tes en vue d’accorder ou non leur demande de protection. N., qui est officière de protection, a notamment traité des demandes d’asiles de personnes provenant de la République Démocratique du Congo, de la Guinée, et de l’Erythrée. 

Un entretien à l’OFPRA:  ça ressemble à quoi ? 

Concrètement, N. est chargée de réaliser des entretiens individuels avec les demandeur·euses d’asile tout en effectuant une retranscription des échanges. Lors d’un entretien, le·la requérant·e peut être accompagné·e d’un·e avocat·e et/ou d’un·e travailleur·euse social·e. Toutefois, ces deux derniers·ères n’ont pas le droit d’intervenir pendant tout l’entretien. Seulement à la fin, iels peuvent éventuellement revenir sur des éléments factuels. Dans le cas des Mineur·es Non Accompagné·es (M.N.A), le·la demandeur·euse d’asile doit obligatoirement être accompagné·e soit d’un·e administrateur·ice ad-hoc, soit d’un·e avocat·e. A la fin de chaque entretien, N. rédige une proposition de décision, qu’elle remettra ensuite à son.sa chef.fe de section. Son rôle est primordial, dans la mesure où il accepte ou non la décision préalablement recommandée par les officier.ères de protection.  

Concernant le type de questions et les sujets abordés durant l’entretien, N. m’a expliquée que celà diffère selon le pays et la problématique : “Par exemple, si un·e demandeur·euse d’asile invoque un motif politique, l’entretien tournera autour de son militantisme, dans quels contextes, auprès de quels partis il (iel) a commencé à militer, qu’est-ce qu’iel faisait comme activité, quel était le quartier de résidence, où est-ce qu’il imprimait ses tracts, etc.”  

“Honnêtement, c’est un métier brutal” (N.)

Lorsque j’ai interrogé N. sur les difficultés de son métier, le premier aspect qu’elle a souligné est celui de la cadence très soutenue des entretiens avec les demandeur.euses d’asile. Elle réalise en moyenne huits entretiens par semaine, en sachant qu’ils peuvent durer 50 minutes, comme 3h ou 5h : “C’est horrible mais des fois tu te dit mais en fait là je n’ai pas le temps, t’es épuisée, tu viens de passer trois heures en entretien avec quelqu’un, tu as entendu des choses atroces et tu dois enchainer, tu dois faire ton deuxième entretien. Le risque, c’est que ça porte préjudice aux demandeur·euses d’asile, qui se retrouvent face à un officier de protection fatigué, les locaux vont fermer dans une heure, il n’a pas le temps et du coup forcément ton entretien est précipité parfois.”.

 En plus de la cadence très soutenue, N. dénonce le manque de formation sur la gestion d’un entretien avec des personnes souffrant de chocs post-traumatiques :  “Je sais qu’il y a certains officiers de protection qui ne vont pas systématiquement prendre le temps, qui vont dire “Madame, ce n’est pas le sujet, on passe à autre chose “. Mais tu imagines la violence que ça peut être pour une femme qui essaie de parler d’un traumatisme pour la première fois de sa vie ? Certes nous ne sommes pas formé.es pour apporter un soutien psychologique, mais il y a un minimum de respect à avoir, parce-que la personne se livre à toi, tu recueilles sa parole, c’est tout. C’est le maximum qu’on peut faire mais c’est la moindre des choses.”  Selon N., leur marge de manœuvre consiste à rediriger les requérant.es vers des structures associatives pour prendre en charge les personnes vulnérables.

D’après N., ce comportement n’est pas un cas isolé. On peut supposer que cette réaction découle d’un rapport distancié entre l’officier·ère de protection et le·la requérant·e. La procédure administrative est tellement intense, qu’elle peut conduire à un manque d’empathie à l’égard des exilé·es, qui sont réduits à des dossiers de demandes d’asiles. Dans son témoignage, N. insiste justement sur la prise en compte de la situation de vulnérabilité psychique et de précarité économique des exilé·es:  “La personne,  elle joue sa vie. Donc même si tu essaies de mettre les personnes le plus en confiance possible, tu sais que la personne ça fait 6 mois qu’elle attend son entretien, qu’elle est stressée, qu’elle a potentiellement fait 5h de route pour venir jusqu’ici. En plus t’es dans des box de 5 mètres sur trois, tout blancs, avec des murs blancs et des néons, ça fait scène d’interrogatoire.”.  

Le manque d’accompagnement psychologique 

N. déplore également le manque de suivi psychologique pour les officier.ères de protection. Celà vient de changer récemment, mais depuis qu’elle travaille à l’OFPRA, on compte une psychologue pour 800 officier.ères de protection : “Donc évidemment, tu obtiens difficilement un rendez-vous. On a reçu un mail pour nous prévenir de la venue d’une nouvelle psychologue et que ça serait plus simple pour obtenir des rendez-vous. Mais il n’y a aucun réel accompagnement, aucun suivi psy, c’est une catastrophe.” . Afin de compenser cette absence d’accompagnement, N. a développé une stratégie :  “ Des fois tu sais pas pourquoi tu sors de là, t’es broyée et bah là tu t’appuies sur tes collègues. On se soutient beaucoup, on débrief entre nous, les chef.fes ne prennent pas toustes le temps et cela ne fait pas partie de leur mission principale. Donc c’est vraiment entre nous que nous disséquons à nouveau les entretiens. Il y a une grande solidarité entre collègues parce-qu’en l’absence de tout suivi psy, ce n’est quand même pas rien.”

L’OFPRA : Sous influence politique ? 

Durant son expérience en tant qu’officière de protection, N. m’a fait part de ses interrogations, concernant les conditions d’accord ou de refus des demandes d’asiles : “Nous, clairement, suivant le contexte, on ressent très bien sur quelles nationalités le ministère de l’Intérieur est frileux. On nous le dit pas directement, parce que ce n’est pas officiellement décrété ou inscrit dans la loi. Typiquement, sur certaines nationalités il faut faire plus attention et faire ce qu’on appelle des ordres publics.”  Plus précisemment, les demandes d’ ordres publics consistent à contacter un des services du Ministère de l’Intérieur pour s’assurer que le·la demandeur·euse d’asile n’ait aucun casier judiciaire. A ce sujet, le problème que N. souligne, c’est que dans le cadre des demandes de protections en vue d’obtenir le statut de réfugié, ces ordres publics ne sont demandés que pour certaines nationalités : “ à la limite pourquoi pas mais dans ce cas on le fait pour tout le monde. On ne le fait pas que pour les somaliens et les soudanais tu vois. Moi ca me parait étrange. “.  

Le témoignage de N donne à voir quelques dysfonctionnements internes à l’OFPRA. Dans sa section, N. s’estime chanceuse parce qu’elle travaille sur des pays où il y a une majorité d’accord des demandes d’asiles. Mais ce n’est pas le cas pour toustes ses collègues: “J’ai certain.es collègues, qui ont des pays où il y a beaucoup de rejets. Quand tu passes tes journées à faire des rejets, quand tu fais un accord par mois, tu pètes les plombs. En fait ce n’est pas pour ça que tu fais ce travail à la base, ce n’est pas pour mettre des rejets à des gens qui sont déjà dans la galère.”  

 

Mélissa BAVARD pour l’association LOBA

1. Citation de Maëlle Guignard de La Bigne, psychologue clinicienne pour l’association LOBA.

2. L’administrateur.ices ad-hoc est une personne physique ou morale, inscrite sur les listes de la Cour d’appel qui est désignée par un magistrat pour devenir le représentant légal d’un mineur à l’occasion d’une procédure dans le but de préserver ses droits. En plus d’être un.e acteur.ice juridique, ses fonctions relèvent de la sphère sociale également: iel va accompagner les M.N.A, les soutenir et les informer sur leurs démarches administratives.

 

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