Journée internationale de l’éducation : Faire des établissements scolaires un lieu d’écoute et d’accompagnement pour les élèves victimes de violences sexuelles et sexistes.

Hier, le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) a publié son rapport annuel 2023 sur l’état du sexisme en France. Force est de constater que malgré une parole plus libérée, le sexisme ne recule pas ; pire encore, les manifestations d’actes sexistes s’aggravent, signe d’un blacklash antiféministe, 5 ans après MeToo. D’après l’étude menée, les plus jeunes générations sont particulièrement touchées : 23% des hommes de 25-34 ans déclarent qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter, soit 1 homme sur 4. La perception d’une inégalité liée au genre s’est aussi énormément creusée dans les établissements scolaires. Au vu de cet état des lieux alarmant, ce rapport sera remis demain, mercredi 25 janvier, au président de la République afin de soumettre un plan d’urgence de lutte contre le sexisme. Selon Sylvie Pierre-Brossolette, présidente du HCE, il est primordial de combattre le sexisme à sa racine, et de ce fait, en parlant aux plus jeunes. `

Le rôle de l’école dans l’éducation et la sécurité de ses élèves 

En ce 24 janvier 2023, nous fêtons la Journée Internationale de l’Éducation. Inscrit dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, le droit à l’éducation est, par définition, un droit humain. Si l’école dispense d’une éducation académique aux élèves, il s’agit également du premier lieu de socialisation pour l’enfant, en dehors de ses parents. Au sein de son établissement scolaire, l’enfant apprend à vivre en communauté, et à développer son individualité. L’école joue ainsi un rôle prépondérant dans l’éducation et la construction de l’enfant et de l’adolescent. 

Selon l’article 19 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE), l’école se doit de protéger les enfants contre toute forme de violence, y compris sexuelle, tant qu’il est sous la garde de ses parents ou d’un.e tuteur.ice légal.e. 

Afin de respecter ses responsabilités envers les élèves, elle se doit donc d’être un lieu où ces dernier.e.s puissent se sentir écouté.e.s et soutenu.e.s en cas de violences aussi bien internes qu’externes (relations intra-familiales entre autres). 

Mais est-ce toujours le cas ? 

Plus de la moitié des violences sexuelles sont commises sur des mineur.e.s 

D’après une enquête menée en 2019, sur le nombre de victimes de violences sexuelles recensé, 55% étaient mineures au moment des faits (dont 80% sont des femmes). Ces agressions, allant de remarques sexistes, attouchements ou rapports imposés, sont souvent commises par un proche de la victime et sont de ce fait liées aux divers milieux de socialisation. Pour un.e mineur.e de moins de 18 ans, les principaux lieux de socialisation s’avèrent être son établissement scolaire et sa sphère familiale.

Face à ces chiffres et à l’augmentation des violences en milieu scolaire, un plan d’action gouvernemental de lutte contre les violences sexuelles intrafamiliales a été lancé à la rentrée 2021. Le but est de sensibiliser les élèves à ces problématiques ainsi que de former le corps enseignant à repérer et agir en cas de suspicions de violences externes. Mais qu’en est-il des autres types de violences sexuelles qui ne sont pas commises par un membre de la famille ? 

Inaction du rectorat, professeur.e.s en colère : la parole des victimes est-elle réellement prise en compte ? 

L’émergence du mouvement MeToo en 2017 a permis une certaine libération de la parole autour des violences sexuelles et sexistes. En France, on en profite pour lancer également notre mouvement : c’est le hashtag #BalanceTonPorc sur Twitter qui met en lumière les comportements sexistes et/ou violents que les femmes subissent au quotidien et ce, dans tout milieu. 

Mais si la parole se libère, il s’avère que la sanction ou condamnation est souvent peu satisfaisante, voire même inexistante. Des institutions étouffent même les affaires : ce fut le cas en 2019 après la révélation des viols collectifs d’une adolescente de 14 ans aux abords du collège Lamartine à Toulouse ; établissement où elle et ses agresseurs étaient scolarisés. Nombreux.ses sont les professeur.e.s ayant dénoncé l’inaction du rectorat. Malheureusement, cette affaire n’est pas un cas isolé et révèle le manque cruel de prévention sur les questions de violences sexuelles et sexistes


Dans certains cas où l’école agit, c’est la victime qui est sanctionnée, comme nous le montre cet extrait d’une mini série d’illustrations de l’autrice de BD et activiste féministe Blanche Sabbah. Ce type d’action ne fait que dissuader les victimes de parler et pousse les agresseurs à récidiver, en plus de renvoyer à l’enfant/adolescent.e une image sévèrement entachée des adultes et figures d’autorité. Un cercle vicieux qui prend donc ses racines à l’école.

Les outils à mettre en place 

Si l’éducation nationale a prévu 3 heures obligatoires d’ateliers sur les questions de sexualité, sexisme et égalité, les directives restent floues et ne sont pas toujours mises en œuvre. Par ailleurs, lorsque la sexualité est abordée en cours, on parle davantage de l’aspect biologique que des inégalités et ce qui en découle. 

Au vu des statistiques rapportés sur les violences sexuelles et sexistes sur mineur.e.s, il devient nécessaire d’instaurer des ateliers de sensibilisation au sein des établissements scolaires. Introduire les notions de consentement chez les plus jeunes, parler des dangers d’internet et de la pornographie chez les adolescents, les aider à identifier des comportements sexistes etc. 

En plus de sensibiliser les jeunes à ces questions, cela permettrait également aux élèves victimes de violences (intra familiale, cyberharcèlement, revenge porn etc.) de se sentir davantage prêt.e.s à en parler aux adultes qui les entourent. Il est par la suite de la responsabilité de l’adulte d’offrir la meilleure écoute possible et l’accompagnement nécessaire à l’élève. 

Et la sensibilisation peut se faire par le biais de méthodes originales et interactives ! Si l’on regarde chez nos voisins, en Espagne – pionnier européen en matière de loi en faveur de l’égalité des genres – le projet Teatro que Cura (théâtre qui soigne) monté en 2017 vise à sensibiliser les jeunes de moins de 18 ans à ces questions par le biais d’une représentation de théâtre interactive. Cette méthode de prévention s’est avérée efficace selon la psychologue scolaire Silvia Serrano Martin, du lycée El Olivo, où le projet a été présenté. Le fait de participer activement à ces ateliers permet aux lycéen.ne.s de mieux identifier les comportements violents, qu’ils viennent d’autrui ou d’eux-mêmes.

Chez LOBA, nous pensons qu’il est important de parler aux adolescent.e.s afin de construire un espace où chacun.e se sent en sécurité et en confiance. 

C’est pourquoi nous accompagnons tout au long de l’année une classe de seconde dans leur sensibilisation aux violences de genre et dans la mise en place de leurs propres projets artistiques pour lutter contre ces violences. Nous proposons également des ateliers courts et ponctuels autour des questions des masculinités auprès de différentes classes de lycéens.

Pour LOBA

Ny Aina RAVAOMIARANTSOA (Chargée du projet Re-Création Lycées)


Sources

Rapport 2023 sur l’état du sexisme en France, Haut Conseil de l’Égalité (HCE)

Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE), Humanium.org 

Lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, 2020

Au Café…, Blanche Sabbah (@lanuitremueparis)

Espagne : du théâtre pour sensibiliser les jeunes aux violences sexistes, France 24 (Novembre 2022)

Pour aller plus loin

Les violences sexistes à l’école: Une oppression viriliste, Eric Debardieux avec Arnaud Alessandrin, Johanna Degorn et Olivia Gaillard

Le podcast Violences sexistes et sexuelles à l’école, des professeures s’engagent, podcastine.fr 

Le site de prévention Ça commence à l’école 

Guide de ressource pour les équipes éducatives des collèges et des lycées, Ministère de l’Éducation Nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche & Ministère des familles, de l’enfance et des Droits des femmes 

 Récapitulatif du rapport annuel 2023 de la HCE, Sylvie Pierre-Brossolette (Présidente du HCE) et Anne-Cécile Mailfert (Présidente de La Fondation des Femmes) pour France-Inter, 23 janvier 2023