Violée par mon mari

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J’étais une jeune femme qui rêvait d’un conte de fées. Ce dont je ne doutais jamais, c’est qu’il y aurait cette fameuse rencontre qui allait m’apporter l’amour et l’accomplissement. J’avais fait des études brillantes, j’avais une excellente situation professionnelle, des amis qui m’aimaient, et beaucoup de succès auprès des garçons. Malgré tout ça, je manquais beaucoup de confiance en moi. Mais ce n’était pas grave. Comme dans les contes de fées, j’allais rencontrer le prince à travers le regard de qui j’allais enfin devenir une princesse.

Et un jour, j’ai cru que je l’avais rencontré.

Il avait 10 ans de plus que moi, beaucoup de charme et d’assurance, un statut social qui forçait l’admiration, et un vrai talent pour séduire. Il avait surtout beaucoup de discernement. Il a tout de suite vu tous les trésors que j’avais à offrir, et dont je n’avais pas trop conscience. Il a aussi tout de suite su ce que je voulais entendre, qui il devait être pour gagner ma confiance, et quelles failles ils pourrait exploiter pour s’assurer de me garder.

Très vite, il a organisé une emprise mentale et matérielle. Il a tissé sa toile autour de moi. Au bout de quelques mois, je n’avais plus d’appartement, je vivais chez lui. Insidieusement, ses compliments se transformèrent en critiques, soi-disant constructives. Je lui faisais confiance, et je perdais chaque jour un peu plus confiance en moi. Très vite aussi, il s’est avéré que le journaliste dans un magazine prestigieux que j’avais rencontré, avait quitté son emploi pour fonder sa propre entreprise. Il n’avait plus de revenus, mais pour moi, le couple, c’était le partage et le soutien inconditionnel. Travaillant pour deux, j’épuisais mon énergie et mes économies. Mais il me faisait des promesses, et je voulais être là pour lui. Lorsque je reprenais mon esprit critique, il me parlait de son enfance atroce. J’éteignais ma vigilance. Il allait, un jour, grâce à ma patience apprendre à aimer, je voulais y croire.

Malgré tout, j’ai souvent pensé partir, mais à chaque fois il arrivait à regagner ma confiance, et me faire douter de moi. Il m’a souvent menti sur son état de santé. Il attendait toujours un diagnostic plus ou moins fatal. Ça a été l’argument qui m’a fait dire oui à la première grossesse. Le piège s’était refermé.

Les critiques se sont intensifiées. Il disait qu’il était dégoûté par mon corps de mère. Que d’ailleurs je n’étais pas jolie dans l’absolu. Qu’il était allé vers moi parce que j’étais nymphomane. Que faisais un métier ridicule, inutile, méprisé de tous et mal payé. Que je n’avais pas beaucoup d’amis, que ce qui m’aimaient avaient pitié de moi, que ceux que j’intéressais voulaient des faveurs sexuelles, car j’étais une allumeuse. Etc…

Je me suis repliée sur mon enfant. Une source d’amour qui m’a sauvée, mais une aubaine pour celui qui voulait me piéger à ses côtés. J’ai cessé de travailler pendant un an, puis ai repris mon travail à mi-temps seulement, sous la pression de celui qui voulait contrôler toute ma vie et me priver d’indépendance économique. A ce moment-là, les humiliations quotidiennes m’avaient tellement détruites que j’arrivais à penser que l’emprise était de l’« amour », que l’obsession et le contrôle étaient de l’attention, que la jalousie délirante était une preuve d’attachement.

Et j’ai accepté le mariage, puis une deuxième grossesse.

Là est arrivée la violence physique. Discrète, sans marques. Sans preuves. Me secouer. Casser des objets, tout près de moi. Un interrupteur fracassé d’un coup de poing à 2 cm de mon visage, alors que je collais le dos au mur lors d’une dispute. Un bras qui m’étrangle pour que je cesse de parler. Une plaque de cuisson qui explose à côté de moi parce que je suis habillée « comme une pute »…

Et à chaque fois : « Si tu cries, tu vas réveiller les enfants », « Si tu parles, je vais hurler, les enfants et les voisins vont savoir que tu es une pute ».

Et sur ces arguments, je me tais aussi lorsqu’il me viole.

C’est mon mari. Je suis censée faire l’amour avec lui, ça fait partie du quotidien d’un couple. Je l’ai d’ailleurs fait de nombreuses fois, consentante. J’ai même eu des enfants. Et puis il y a aussi cette horrible expression de « devoir conjugal ».

Mais lorsqu’une femme pleure, elle n’est pas consentante.

Lorsqu’on vient de l’insulter, et que ce n’est pas la première fois, elle ne se débat plus. Elle n’a plus rien à défendre, ni ses rêves, ni son estime d’elle-même. Elle ne lutte pas, mais elle n’est pas consentante.

Lorsqu’elle ne crie pas, elle n’est pas consentante. Elle a honte par rapport à ses voisins. Elle protège l’innocence de ses enfants. Elle se protège aussi d’une recrudescence de violence. Elle essaie de ne pas être là. Elle endure. Elle attend que ça passe. Mais elle n’attend plus rien d’autre. Juste que le jour se lève et qu’elle puisse se noyer dans sa vie de mère.

Non, elle n’est pas consentante.

Monsieur l’époux qui n’a rien à se reprocher, sachez que, lorsqu’après ce que vous voulez prendre pour du sexe, monsieur, votre femme se lève du lit conjugal sans un mot, part sous la douche pendant une heure, revient, sans un mot, se couche au bord du lit, les dents serrées, les yeux rougis, c’est qu’elle n’était pas consentante : vous l’avez violée.

Une femme à qui on vient de faire l’amour, monsieur, elle ne fait pas ça.

Une femme à qui on vient de faire l’amour, elle cherche encore, les yeux fermés, le sourire aux lèvres, la main de l’homme qu’elle aime dans le lit, et s’endort.

J’ai fini par partir. Je me suis sauvée. Malgré un cœur en miettes, des rêves piétinés, un corps épuisé d’humiliations, des menaces avec armes, de harcèlement, et j’en passe.

Je suis partie, j’ai porté plainte contre cet homme pour un tas de choses, du vol d’argent au piratage de mon ordinateur, en passant par le harcèlement et le vandalisme de mes biens.

Mais jamais pour viol.

Je ne commence à en parler que maintenant. Des années plus tard.

Ce qui m’a donné la force de m’aimer suffisamment pour fuir et espérer, et reconstruire ma vie pierre après pierre, ce sont mes enfants et mon entourage, les autres femmes qui osent parler et dont le courage m’inspire, mais pas seulement. C’est aussi ma force.

Je me suis sauvée.

Il y a quelque chose en moi que cet homme n’a jamais réussi à détruire, et je peux dire avec fierté que j’ai su protéger mon âme, ma foi, ma capacité à aimer, pendant 10 années de violence.

Je suis debout.

Et je ne suis pas ma blessure.

Aujourd’hui, je suis la maman, l’amie, et la compagne la plus épanouie du monde. Personne ne me fera croire que les contes de fées n’existent pas, car je suis une princesse que rien ne peut détourner de sa trajectoire, comme dans les livres.

Le soir, dans le lit, les yeux fermés et le sourire aux lèvres, je cherche la main de l’homme que j’aime, et je m’endors.