Les violences sexuelles comme armes de guerre

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Les violences sexuelles comme armes de guerre

Depuis l’Antiquité, les violences sexuelles sont utilisées comme armes de terreur. Véritables outils de destruction massive, elles font chaque année des milliers de victimes malgré les mesures prises par les Etats et la communauté internationale. Dans le cadre de la Journée Internationale de la lutte contre les violences sexuelles en temps de conflit, LOBA dresse un état des lieux.

 

Les violences sexuelles en temps de guerre sont une arme infaillible pour les militaires et les groupes armés non étatiques. Utilisées dans les conflits de manière tactique et stratégique afin d’affaiblir et de détruire l’ennemi, elles se présentent sous différentes formes telles que les viols individuels, collectifs, avec ou sans objets, tortures sexuelles, esclavage sexuel, mutilation sexuelle, prostitution, grossesse, avortement, stérilisation, mariage forcé, mais aussi des formes très peu connues comme la transmission délibérée d’infections sexuellement transmissibles incurables. 

Leur apparition remonte à l’Antiquité où la pratique des violences sexuelles lors des pillages de villes est monnaie courante, considérée comme une récompense, un butin. Ces violences interviennent lors des traites négrières où les femmes esclaves noires étaient sexuellement exploitées par les négriers et colons. D’après bell hooks, intellectuelle féministe et militante, le système esclavagiste a institutionnalisé le viol comme une arme de terreur afin de garantir la soumission des personnes noires envers les blanches. 

Ce procédé perdure encore aujourd’hui et s’est étendu au fil du temps pendant la Seconde Guerre Mondiale, la guerre d’Algérie, la guerre civile de Bosnie-Herzégovine, la révolution libyenne, mais aussi en Colombie, au Bangladesh, en République Démocratique du Congo, en Irak ou encore en Syrie. Les violences comme armes de guerre sont incessantes sur tous les continents. Aucun conflit ne leur échappe.

Elles concernent femmes et hommes, filles et garçons

Les violences sexuelles sont principalement utilisées pour déplacer des populations afin d’accaparer des terres contestées et les ressources dont elles disposent. Plus récemment, elles sont également utilisées comme moyens de répression, de terreur et de contrôle comme cela a été le cas pour le groupe terroriste Daesh. 

Ces pratiques concernent, pour différents enjeux, femmes et hommes, filles et garçons. Les femmes, vues comme pilier du foyer et berceau de l’humanité, vivent les violences sexuelles dont elles sont victimes comme une humiliation, mais aussi comme la destruction de l’humanité. Les violences sexuelles envers les femmes et les filles appartenant à une communauté visent, en effet, non seulement à atteindre la victime, mais également à déstabiliser le groupe dont elle fait partie. Honteuses, elles reviennent parfois avec la peur de se faire rejeter par leur famille, leur communauté mais aussi avec la peur considérable de devoir donner naissance à un enfant impur, issu du viol. Les femmes victimes de violences sexuelles sont perçues comme irrémédiablement souillées. Elles sont bannies et frappées d’ostracisme par l’ensemble de la communauté. En 2019, parmi les 132 millions de personnes ayant besoin d’une aide et d’une protection humanitaire, environ 35 millions sont des femmes et des filles. 

Les hommes incarnent le pouvoir et la stabilité. Les violences sexuelles dont ils sont victimes passent par le viol, la mutilation génitale telle que la castration et la circoncision, mais aussi par l’obligation de violer d’autres hommes. En leur infligeant de telles pratiques, on détruit leur masculinité, on bouscule l’ordre du village et on affaiblit la société. En temps de paix comme en temps de guerre, il est difficile d’estimer le nombre d’hommes ayant subi des violences sexuelles. Le viol masculin, même s’il fait l’objet de dispositions légales, reste tabou et peu étudié. Avoir des relations sexuelles avec une personne du même sexe, qu’elles soient consenties ou non, est considéré comme un crime dans de nombreux pays. En signalant son viol, l’homme peut donc faire lui-même l’objet de poursuites judiciaires. 

Les enfants, eux, sont considérés comme outil de torture auprès des parents. Filles et garçons se font enlever pendant des mois au cours desquels les viols, injections de produits visant à faire croître les hormones et les tortures deviennent une habitude. Il arrive parfois que ces enfants ne revoient pas leur famille, morts sous les coups de leurs bourreaux, vendus sur des marchés aux esclaves ou mariés de force à des milices. Dans une publication du Secrétaire général de l’ONU en 2014 sur « les enfants et le conflit armé en Syrie », il est affirmé que la violence subie par les enfants servirait à humilier, blesser, obtenir des aveux forcés ou faire pression sur les parents pour qu’ils se livrent. 

Symbole historique d’une prise de conscience mondiale

Ce n’est qu’en juin 2008, en adoptant la résolution 1820, que le Conseil de sécurité des Nations Unies reconnaît les violences sexuelles, en particulier le viol, comme arme de guerre et crime contre l’humanité. Cette mesure capitale facilite l’évaluation des coûts politiques, militaires et économiques de ces actes de violence. 

Exigeant de toutes les parties impliquées dans un conflit armé de cesser « immédiatement » les actes de violence sexuelle envers les civils, le Conseil de sécurité des Nations Unies met en place de nouveaux ordres : 

  • Des sanctions disciplinaires militaires seront prononcées si un acte de violence sexuelle est commis sur un civil
  • La responsabilité du supérieur hiérarchique du militaire accusé sera examinée
  • Les soldats devront être sensibilisés à l’interdiction impérative de toutes formes de violence sexuelle contre des civils
  • La composition des forces armées et des forces de sécurité doit être contrôlée en tenant compte des antécédents de viols et d’autres formes de violences sexuelles 
  • Les femmes et les enfants devront être évacués vers des lieux sûrs s’il y a menace imminente de violences sexuelles

En 2018, dix ans après la résolution 1820, deux activistes obtiennent le Prix Nobel de la paix pour leur lutte contre les violences sexuelles utilisées comme armes de guerre. Denis Mukwege, chirurgien et obstétricien congolais, à l’hôpital Panzi en République Démocratique du Congo, se bat depuis vingt ans pour réparer le corps des femmes et des filles victimes de violences sexuelles perpétrées par les groupes armées non étatiques dans la région du Kivu. Nadia Murad, ancienne esclave sexuelle de Daesh et survivante du génocide perpétré par l’Etat Islamique en 2014 à Kosho, village yézidi au nord de l’Irak, défend les droits des femmes et se bat pour les femmes yézédies toujours en captivité.

L’attribution du Prix Nobel de la paix à ces deux personnalités devient le symbole historique d’une prise de conscience mondiale quant à la menace que représentent les violences sexuelles comme armes de guerre. Elle est une invitation à l’action envers les « institutions internationales, régionales et européennes » comme le précise Céline Bardet, juriste internationale spécialiste des questions de crimes de guerre et fondatrice de l’ONG « We are not a weapon of war » dans le Huffington Post.

Si du côté des institutions rien ne semble vraiment bouger, du côté des associations françaises, de nombreuses actions ont été mises en œuvre pour continuer de lutter contre les violences sexuelles en temps de conflit. 

La somme de 835 000 euros perçue par les deux lauréats du Prix Nobel de la paix sert à approfondir le travail mené dans cette lutte mais aussi dans le processus de réparation et de reconstruction de ces femmes survivantes. En mars 2019 au Luxembourg, Denis Mukwege, Céline Bardet et Maria Teresa Mestre, la Grande Duchesse du Luxembourg, s’unissent dans l’organisation du Forum International «Stand Speak Rise Up». Cet événement consiste à mettre en lumière la parole des survivantes et à les impliquer dans les solutions à élaborer concernant la prévention et la réparation des victimes. 

Cette année, Céline Bardet lance le 19 juin 2021 une application mobile « Le Back Up ». Elle permet, de manière cryptée et sécurisée, de signaler les victimes du viol de guerre, de coordonner les professionnels impliqués sur cette question et de collecter des données fiables sur le sujet. 

La crise sanitaire engendrée par la Covid-19 aggrave la situation des victimes

La reconnaissance des violences sexuelles comme armes de guerre et les nouvelles mesures prises à son égard ne suffisent pas. Le rapport du 29 mars 2019 d’António Guterres, Secrétaire général du Conseil de sécurité des Nations Unies, confirme que la violence sexuelle continue de s’inscrire dans une stratégie de conflit, touchant particulièrement les femmes et les filles. 

Le viol de guerre joue un rôle majeur au sein de la stratégie économique, politique et sociale des groupes armés. Chaque année, des milliers de civils en sont victimes mais il est difficile d’évaluer avec précision leur nombre. Face à l’intimidation et à la stigmatisation auxquelles elles doivent faire face, les victimes ne déclarent que très peu les violences sexuelles subies. Ceci est accentué par un manque d’accès réel aux institutions judiciaires et étatiques.

Pramila Patten, représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit et secrétaire générale adjointe de l’ONU, affirme lors du Conseil de sécurité des Nations Unies du 17 juillet 2020, que si le viol en temps de guerre persiste encore aujourd’hui, ce n’est pas parce que les cadres et obligations existants sont inappropriés mais parce qu’ils sont mal appliqués. Elle rappelle aussi que si la résolution 1820 « a écrit une nouvelle norme et tracé une ligne à ne pas franchir, nous devons démontrer clairement les conséquences dans les cas où elle est franchie  ».

Au cours de ce même conseil, Heiko Maas, ministre des affaires étrangères de l’Allemagne, relève de son côté que la pandémie Covid-19 aggrave la situation des victimes. En effet, « le confinement entrave leur accès aux services médicaux et juridique ; le manque de signalisation des cas de violence sexuelle devient de plus en plus préoccupant ; et de nombreuses femmes, filles et garçons ne peuvent pas échapper à la «  proximité brutale  » de leur bourreau ». 

Il rappelle que la mise en œuvre du programme « Femmes, paix et sécurité » est un devoir pour nous tous « et plus encore face à la COVID-19 ».

Sofia ABECHIR pour l’association LOBA

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